Alors que le leasing vélo est déjà mis en place depuis plusieurs années au sein des entreprises privées, le secteur public local se désolait de ne pas y avoir accès. Au début de l’année 2024, et après plusieurs mois de travail, la Commune de Léglise et l’intercommunale IDEA ont finalement vu aboutir leur projet respectif. La fin d’une longue traversée du désert, porteuse d’espoir pour les administrations et leur personnel.

Concrètement, comment les pouvoirs publics locaux peuvent-ils proposer à leur personnel un vélo en leasing, avec tous les avantages qui y sont liés ? Quelles sont les étapes à suivre et les pièges à éviter ? Nous répondons à tout cela dans cet article. Les récits de la Commune de Léglise et d’IDEA sont également disponibles, accompagnés de leurs cahiers des charges et de leurs bike policies respectives.

Le concept, adapté aux pouvoirs publics locaux

Le leasing vélo, c’est la possibilité pour un travailleur de bénéficier d’un vélo de société via son employeur, finançable à moindre coût et associé à une série d’avantages pouvant être compris dans la formule (assurance, assistance, entretien, etc.). Nous avons résumé ce procédé et ses équivalents dans une vidéo explicative.

En mai 2023, l’UVCW a entrepris dans un article de clarifier la situation pour les pouvoirs publics locaux, adaptant pour la Wallonie la législation déjà en vigueur au nord du pays. En Flandre, un décret réglemente spécifiquement la possibilité pour un travailleur des secteurs concernés de financer ce leasing ; en Wallonie, ce décret n’existe pas (encore) mais rien n’empêche la mise en œuvre de ce leasing. Les principes retranscrits dans l’article de l’UVCW ont d’ailleurs fait l’objet d’une validation par le SPF Finances ainsi que l’ONSS. Cette possibilité de leasing vélo est ouverte aux administrations communales, intercommunales, CPAS, régies communales autonomes et provinces.

La différence fondamentale entre le secteur privé et le secteur public résulte dans le mode de financement du leasing. La conversion d’une partie du salaire brut, l’utilisation du budget mobilité ou d’un plan cafétéria ne sont pas possibles. En revanche, trois autres options sont envisageables :

Allocation de fin d’année

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L’option la plus simple à mettre en oeuvre et la plus intéressante pour le travailleur, en raison de l’importante taxation dont fait l’objet cette allocation. Il s’agit de convertir tout ou une partie de l’allocation. Si l’entièreté est allouée, la décision doit être prise avant le début de l’année civile suivante. Par sécurité, on conseillera de limiter à ± 80 % du montant de l’allocation, pour se préserver d’une fluctuation liée, par exemple, à un temps de travail réduit. Suivant le salaire et le montant de l’allocation, ± 2.000 à 3.000€ peuvent être alloués annuellement.

Cette option n’est bien sûr accessible qu’aux travailleurs dont l’organisation offre une allocation de fin d’année (y compris parmi les élus).

Congés extra-légaux

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L’option des congés extra-légaux est le second choix. Il s’agit ici de convertir la valeur de ces jours de congé (entre 100 et 200€, en fonction du salaire) afin de financer le vélo. Cette option est accessible tout au long de l’année, y compris si l’année civile est déjà entamée (pour autant que les jours de congé à convertir n’aient pas déjà été utilisés).

En Flandre, le nombre de jours convertibles est fixé en fonction du nombre de jours de congés totaux : maximum 2 si 24 jours de congé, maximum 7 si plus de 28 jours de congé. Pour le contexte wallon, ces valeurs doivent être validées au préalable. Suivant le salaire, le nombre de congés et leur valeur brute, ± 100 à 1.200€ peuvent donc être alloués annuellement.

Indemnité vélo

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Il s’agit là du dernier choix, si aucune des autres options n’est possible. C’est l’option la moins avantageuse, dénuée de tout avantage fiscal et social. En effet, l’indemnité vélo perçue par le travailleur est un budget net perçu en parallèle du salaire et dans ce cas, réaffecté au financement du leasing vélo. Elle permet tout de même le paiement du vélo au moyen d’un avantage net qui n’est pas lié au salaire.

Cette option est la plus aléatoire car elle nécessite une anticipation du versement de l’indemnité, par exemple sur base de l’indemnité versée l’année précédente. En cas d’absence prolongée du travailleur ou d’incapacité à venir travailler à vélo (blessure, météo capricieuse, etc.), le budget final pourra être plus faible et donc forcer le travailleur à compenser au moyen de son salaire net. Suivant le nombre de kilomètres parcourus à vélo, ± 100 à 1.000€ peuvent être alloués annuellement.

A retenir : les modes de financement peuvent être combinés les uns aux autres. Cela signifie qu’un travailleur pourrait, par exemple, consacrer 50% de son allocation de fin d’année + 2 jours de congé par an pour financer son leasing. Tous les types de combinaison peuvent être imaginés. Le travailleur peut également compléter le budget en ajoutant le reste avec son salaire net mais il devra payer un ATN (avantage toute nature) sur ce complément. Dans ce cas précis, si le vélo est volé ou accidenté, l’assurance ne couvre pas la valeur du vélo payée avec ce complément.

Si ça continue à coincer, il est toujours possible de permettre un leasing sur le net (sans aucun avantage social et fiscal mais avec un étalement du paiement) ou un achat groupé.

Exemple sur l’allocation de fin d’année

Si utilisation de l’allocation de fin d’année nette

Si conversion de l’allocation de fin d’année brute

L’exemple ci-dessus permet de comprendre l’intérêt de financer un vélo au moyen de son allocation de fin d’année. Cette dernière étant fortement taxée, l’utilisation du montant brut de l’allocation permet, in fine, un gain de ± 40% par rapport à un achat qui aurait été fait avec le salaire net.

Dans cet exemple, le cycliste parvient en simultané à financer son vélo et à récupérer le reste de l’allocation de fin d’année en net (après retrait des cotisations ONSS et du précompte sur le montant restant), de sorte qu’au lieu de ne toucher que 1.210€ nets, il a dégagé un budget de 2.500€ pour un vélo et il profite en plus de 420€ nets.

Attention : il s’agit bien là d’un exemple général et chaque situation doit être étudiée au cas par cas, en concertation avec le travailleur, le responsable des ressources humaines, le leaseur et le secrétariat social. Par ailleurs, bien que l’opération soit neutre pour l’employeur, il n’en reste pas moins que le vélo doit d’abord être payé par ce dernier à la compagnie de leasing avant qu’il ne récupère l’argent au moyen du/des mode(s) de financement choisi(s) par le travailleur. Il s’agit donc d’une neutralité sur le long terme pour l’employeur mais qui implique tout de même la prévision d’un budget pour financer les vélos, l’argent investi lui étant progressivement remboursé au fur et à mesure de la durée du leasing. Il convient enfin de noter qu’un budget doit également être prévu pour l’intégration du leasing vélo dans le logiciel de paye (exemple avec Civadis pour la Commune de Léglise, début 2024 : forfait de 1.500€ HTVA pour un nombre d’agents inférieur à 150).

Quelles sont les étapes à suivre ?

  1. Obtenir l’accord du Collège communal (ou autre instance, selon le type d’organisation) pour mettre en place le leasing vélo et effectuer les démarches nécessaires à sa mise en oeuvre.
  2. Obtenir l’accord de principe des syndicats afin de garantir leur adhésion au projet.
  3. Modifier les statuts administratifs et pécuniaires des agents. L’UVCW met à disposition de ses membres un modèle de document modificatif à adapter par chaque organisation (voir les annexes en bas de page de son article).
  4. Lancer la procédure de marché public destinée à choisir le prestataire de leasing. Le cahier des charges doit mentionner un budget annuel qui doit être estimé, par exemple, au moyen d’une enquête interne ou sur base du potentiel cyclable (nombre de travailleurs situés à moins de 45 minutes à vélo + nombre de travailleurs pouvant combiner le vélo avec un autre mode). La première année, estimer son budget sur base de 5 à 10% de ce potentiel est une bonne option.
  5. Choisir le prestataire de leasing. Nous recommandons d’être particulièrement attentif à la localisation des points de vente du prestataire. Il est possible de travailler avec une grosse structure spécialisée dans le leasing vélo (laquelle sous-traite ensuite aux vélocistes faisant partie de son réseau de points de vente) ou en direct avec un vélociste proposant lui-même sa propre solution de leasing. Ce vélociste pourra plus facilement proposer des remises et des avantages, tandis qu’une grosse structure sera plus à même de gérer un grand nombre de vélos.
  6. Rédiger une bike policy afin de formaliser les conditions d’usage du vélo (fréquence d’utilisation du vélo pour venir au travail, port du casque, valeur maximale du vélo, etc.). Des modèles sont généralement mis à disposition par les leaseurs et peuvent être adaptés selon les besoins.
  7. Obtenir l’accord du Conseil communal (ou autre instance, selon le type d’organisation) relatif à la bike policy.
  8. Obtenir l’accord de l’agent désireux de prendre un vélo et rédiger un avenant à son contrat de travail. Si la modification des statuts évoquée ci-dessus concerne les agents de manière générale, chacun d’eux doit ensuite marquer son accord de manière individuelle pour profiter de l’avantage qui leur est proposé. Une simulation doit au préalable être effectuée afin de définir précisément l’impact financier subi par l’agent.
  9. Commander son vélo. Pour ce point, il convient de se référer aux instructions du leaseur sur la manière de procéder relative à la commande et la réception du vélo.
  10. Pédaler ! 🙂

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La Bike Policy doit préciser la fréquence minimum d’utilisation du vélo (10 à 20% selon les différentes réponses du SPF Finances). Le cycliste s’engage à respecter cette fréquence au travers d’une déclaration sur l’honneur, laquelle décharge l’administration de toute responsabilité si le cycliste n’utilise pas son vélo. Cette fréquence est une moyenne annuelle, valable pour la totalité ou seulement une partie du trajet (ex : “train + vélo” ou “voiture + vélo” sont pris en compte) et ne tient compte que des jours effectivement prestés au bureau (déduction des jours de télétravail).

En cas de contrôle, le cycliste sera amené à prouver ses déplacements. Si l’administration offre une indemnité vélo et que le cycliste la perçoit, l’usage du vélo est facile à prouver. Les données des compteurs GPS peuvent également être utilisées. En cas de parking vélo sécurisé par badge, il est aussi possible de visualiser les statistiques d’utilisation du parking. Si la fréquence minimum n’est pas atteinte, les sanctions ne sont pas immédiates. En revanche, là où la fraude est clairement établie (par exemple, un travailleur habitant à 60km, ayant choisi un VTT et n’ayant aucun moyen de prouver ses déplacements), le travailleur sera sanctionné et devra payer un ATN sur l’usage du vélo. Pour éviter ce genre de problème, l’administration peut se réserver le droit de refuser un leasing à un travailleur habitant trop loin.

Cas pratiques de la Commune de Léglise et de l’intercommunale IDEA

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À Léglise, la pratique du vélo est bien ancrée, et ce malgré la topographie accidentée de cette commune située au coeur des Ardennes. Pour aider le personnel communal à affronter ce dénivelé, l’administration a mis tous les moyens à disposition : indemnité vélo à 0,35€/km, nouveaux vestiaires (avec douches et casiers), essais de VAE, 30 minutes de sport à charge de la Commune (pour 1h de sport effectuée)… La liste est longue. Et l’administration a décidé de la rallonger en proposant désormais un leasing vélo pour son personnel, financé via l’allocation de fin d’année.

Dès juin 2022, Léglise s’est lancé le défi d’y parvenir, malgré les nombreuses interrogations et incertitudes. Au printemps 2024, après deux ans de travail, les premiers vélos sont enfin commandés. Un bel aboutissement qui devrait aider à pérenniser la politique cyclable de la Commune.

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Chez IDEA, dont le siège social est situé à Mons, la situation est un peu différente : un contexte topographique plus favorable au vélo, davantage de collaborateurs et un statut d’intercommunale. En revanche, le sujet du leasing y est là aussi discuté dès 2022, avec des questions très pratiques quant à la manière d’intégrer contractuels et statutaires dans le projet (chez les statutaires, il n’est pas possible de convertir le salaire brut, à la différence des contractuels). Pour harmoniser et simplifier la démarche, le choix se porte finalement là aussi sur la conversion de l’allocation de fin d’année. Petite particularité toutefois : le montant estimé du marché (> 300.000€)  impose le recours à une procédure de marché européen.

Le 1er février 2024, le leasing vélo est enfin opérationnel et remporte un franc succès, avec déjà 15 demandes le premier jour ! Un projet qui démarre sur les chapeaux de roue…

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Le leasing vélo c’est bien mais…

Proposer un leasing vélo ne doit pas être vu comme une fin en soi. C’est un avantage mis à disposition du travailleur mais sans le respect de certains prérequis, il pourrait ne pas rencontrer le succès escompté. Parking vélo, indemnité vélo, activités en tous genres et plan vélo participeront activement à la cohérence de votre projet. Nous vous conseillons d’aménager dans un premier temps un parking vélo de qualité (indispensable si l’on souhaite encourager son personnel à faire l’acquisition d’un vélo à plusieurs milliers d’euros) et de proposer une indemnité vélo kilométrique.

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